Chapitre 28 : Expatrié

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Au bar, Paris, 2014

— L’Asie / Paris ? – Paris/ L’Asie ? Tu te rends compte que je suis en train peser un continent contre une ville ?!

— Oui, mais pas n’importe ville. Ta ville !

— ….et Mon continent ?

— C’est grand l’Asie quand même ! Et toi t’es plutôt petite !

— Ouais…Bon de toute façon, ce n’est pas comme si j’avais mille options : ça va se jouer entre Hong Kong et Singapour.

— On considère ça comme l’Asie ? L’Asie pour les nuls alors. L’Asie 1.0

— ….ou alors Shanghaï ?

— Ah là on commence à parler ! Sauf si tu pars t’installer à la concession française…

— …

— …T’iras t’installer à la concession française ?

— Eh oh ! Le but, ce n’est pas de me faire violence ! Je te rappelle que si j’y vais, c’est pour renouer avec mes racines, pas pour passer une nouvelle épreuve d’intégration. J’ai déjà donné je crois ! Et puis non, la concession française, c’est trop cher de toute façon !

— Ahaha, c’est toi qui vois. Tu vas nous manquer en tout cas.

— Vous aussi…

— Sinon tu restes à Paris. Réinstalle-toi dans le 13e, c’est un peu l’Asie aussi non ?

* * *

La difficulté vient peut-être de là : la liberté de choix ne vient pas avec son mode d’emploi. Alors que les distances les plus longues se survolent en quelques heures et que les emplois se répliquent sans peine d’un continent à l’autre, les opportunités d’une émigration choisie, partout se multiplient. Pour les plus chanceux, c’est le luxe d’expérimenter des quotidiens étrangers, de les rendre progressivement familiers et de donner à sa citoyenneté un aspect globalisé. Pour les pays, c’est la possibilité d’attirer les meilleurs talents, de dynamiser son développement et de gagner des rangs dans les classements.  

Dans cette course à l’attractivité, l’Asie se hisse régulièrement au palmarès des régions les plus prisées. Chaque année, les pays qui la composent accueillent des milliers d’expatriés en quête de nouvelles opportunités. La croissance économique fulgurante qui les caractérise, offre des perspectives inédites à qui souhaite s’y tenter. Mais il faut bien le reconnaître : l’appel de la région semble être pour moi d’un ordre tout à fait différent.

A mes vingt ans, l’envie de construire un bout de vie en Asie devient de plus en plus pressante. Contrairement aux autres aspirants, la poursuite d’une ascension professionnelle n’est pas le moteur premier de cette inclinaison. Elle n’en reste pas moins une justification rassurante pour qui douterait du bien-fondé de la démarche - à commencer par moi. Mais au fond, je le sais : les raisons qui m’animent sont avant tout de nature identitaire. Elles se nourrissent de mon envie irrépressible de retrouver mes racines et de renouer avec mes origines. Après toutes ces années en France, le temps est venu d’aller à la rencontre de cette autre partie de moi. Le temps est venu pour l’Asie. Il me faut partir et choisir où atterrir.

Les options sont pléthoriques. L’Asie est un vaste continent, fait d’infinis territoires et d’autant de possibles qu’il est difficile de départager. “Quel est l’endroit susceptible de répondre à mon besoin d’appartenance? Doit-il être rattaché à mon histoire? Pourra-t-il satisfaire mes aspirations professionnelles? Nourrir mon épanouissement personnel?”. Dans mon appartement parisien, les questions s’accumulent sans trouver de réponses. Alors que je m’efforce en vain de gagner en clairvoyance, il m’apparaît vite que seule l’expérimentation in situ saura efficacement m’éclairer. Je me résous à visiter différentes villes, dans l’espoir que se dégage de ces tentatives éphémères, une solution toute trouvée.

Shanghai, Hong Kong, Singapour. Ma première sélection est des plus classiques. À défaut de s'ancrer dans mon histoire, ces mégalopoles aussi asiatiques qu'internationales, présentent l’avantage de rendre l’intégration accessible à l’étrangère que je reste. Sur le papier, elles semblent offrir un pont parfait entre un passé regretté et un futur souhaitable, et ainsi satisfaire la fille asiatique en introspection, comme la femme occidentale en devenir. Pour mettre à l’épreuve ce qui relève encore d’une utopie, je décide de passer quelques semaines dans chacune d’entre elles et profite de mes courts séjours, pour en prendre le pouls.  

Grattes-ciels infinis, enseignes clignotantes, malls de néons, ponts urbains et la foule. Partout. Si dense. Si compacte. Je les avais pourtant connues ces villes. Mais alors que je les appréhende avec la perspective de m’y installer, leur modernité m’apparaît plus hostile que jamais. Moi qui étais venue y chercher des échos de mes racines, je me retrouve confrontée à des mégalopoles muettes de toute résonance. Au fil des dérives urbaines finissent par surgir quelques spécificités restées locales : les food courts et leurs cuisines venues de toute part, les séances de tai-chi improvisées au coin d’un parc ou encore les parties de mah-jong qui résonnent sur les trottoirs. Malgré ces sursauts, il faut me rendre à l’évidence : la réalité des villes avait évolué loin de l’imaginaire que je m’étais plu à rêver et le fantasme d’une réconciliation parfaite entre le “meilleur des deux mondes”, petit à petit, se fanait.

En plus de s’être écartées de leurs traditions, ces métropoles semblaient s’être engouffrées dans une frénésie de croissance à laquelle je n’aspirais pas. Ni professionnellement. Ni personnellement. Bien que le cadre de vie me rapproche un peu plus de mes racines, les perspectives de vie qui m’étaient offertes m’éloignaient des causes auxquelles je souhaitais contribuer et de l’environnement dans lequel je voulais évoluer. La recherche d’une solution de parfaite convergence entre tous mes besoins s’annonçait illusoire. Mon projet d’émigration venait de passer d’un idéal fait d’équilibre à un mirage fait de compromis.

À défaut de pouvoir trouver une solution unique, je décidai de re-découper mon ambition globale en une multitude d’objectifs, auxquels autant de stratégies devaient répondre. Pour chacune : une localisation, une temporalité, un mode opératoire.
> Aller sur les traces de ma famille : Phnom Penh - 2 semaines - visite des lieux emblématiques de mon histoire.
> Embrasser avec authenticité mon héritage culturel : Chine rurale - 1 à 2 mois - immersion dans le quotidien des locaux.
> Construire un morceau de vie qui nourrisse mes racines : Grande métropole à dominante chinoise - quatre à cinq ans - installation.
> M’épanouir personnellement et professionnellement dans le respect de mes convictions: Paris - durée et modalités non déterminées.
La ville idéale attendra. Reste maintenant à faire de chacune de ces solutions éphémères, le réceptacle durable d'une vie désirable. 

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Zhe Ling / 薛之琳

32 ans. 3 cultures. 2 nationalités. 1 recueil. Sa vie est à l’image de ces chroniques. Bâtarde et en cours de réalisation.
À propos de l’autrice